Le Cavu et l’arrivée de la Bilharziose en France
La bilharziose urogénitale a refait son apparition sur le devant de la scène médiatique à l’été 2014 suite à des contaminations survenues en Corse. Au total entre 2014 et 2016, 120 personnes ont été contaminées. Un chiffre finalement presque dérisoire face aux 200 millions de malades dans le monde, mais un phénomène préoccupant dans la mesure où les contaminations ont eu lieu en France, a des latitudes où le parasite n’avait jusqu’à présent jamais été endémique.
L’enquête scientifique et médicale très sérieuse qui a eu lieu a permis de comprendre les raisons de la contamination.
Un individu a uriné dans la rivière à un endroit ou le débit est particulièrement réduit (une des conditions de développement éventuel du parasite) et dispersé le parasite sous forme de larves qui ont rencontré et infesté les bulins (de petits escargots d’eau douce). Au printemps et en été, lorsque des vacanciers se sont baignés dans la zone du Cavu infestée, ceux-ci se sont contaminés et ont développé les symptômes de la parasitose: douleurs urogénitales, hématurie, etc.
Depuis, la rivière avait été décontaminée, mais malgré cela de nouvelles contaminations (moins d’une dizaine) ont eu lieu l’année suivante.
Deux questions subsistaient: quel était l’origine (géographique) du parasite qui a infesté le Cavu, et pourquoi, malgré la décontamination, de nouvelles infestations ont pu avoir lieu l’année suivante.
En ce qui concerne les nouvelles infestations, deux hypothèses existent: une décontamination incomplète de la rivière et une capacité du parasite inédite à survivre à l’hiver Corse, ou une recontamination par un individu ayant de nouveau uriné au même endroit.
En ce qui concerne la première question, la réponse vient de faire l’objet d’un très bel article dans The Lancet, qui montre, grâce à l’étude comparative génétique, que le parasite est une souche Sénégalaise. Si le patient source n’a pu encore être identifié, l’on sait donc qu’il est soit originaire du Sénégal, soit a séjourné dans ce pays.
La Bilharziose, cette maladie méconnue
Principaux faits
- La schistosomiase est une maladie chronique provoquée par des vers parasites.
- Les victimes sont infectées dans le cadre d’activités agricoles, domestiques, professionnelles ou récréatives courantes, comportant des expositions à une eau contaminée.
- Le manque d’hygiène et certaines habitudes de jeu des enfants d’âge scolaire, telles que la natation ou la pêche dans des eaux infestées rendent ces enfants particulièrement vulnérables à l’infection.
- La lutte contre la schistosomiase se concentre sur la réduction du nombre de malades au moyen de traitements périodiques à grande échelle des populations par du praziquantel ; une démarche plus globale, incluant l’apport d’eau potable et d’un assainissement approprié ainsi que la lutte contre les gastéropodes, devrait aussi faire régresser la transmission.
- On estimait en 2014 qu’au moins 258 millions de personnes avaient besoin d’un traitement préventif contre la schistosomiase
- Plus de 61,6 millions de personnes ont été traitées contre la schistosomiase en 2014.
La schistosomiase est une parasitose chronique provoquée par des vers (trématodes) du genre Schistosoma. Au moins 258 millions de personnes avaient besoin d’un traitement en 2014. Le traitement préventif, qui devrait se répéter sur un certain nombre d’années, permettra de réduire et de prévenir la morbidité. La transmission de la schistosomiase est avérée dans 78 pays. Cependant, la chimiothérapie préventive pour la schistosomiase, où les gens et les communautés sont ciblés pour un traitement à grande échelle, est seulement nécessaire dans 52 pays d’endémie modérée à forte transmission.
Transmission
La transmission se produit quand les gens souffrant de schistosomiase contaminent les sources d’eau douce avec leurs excréments (péril fécal) ou leur urine.
L’infection se produit lorsque les larves du parasite, libérées par des gastéropodes d’eau douce, pénètrent dans la peau d’une personne lorsqu’elle est en contact avec une eau infestée.
Dans l’organisme, les larves se développent et passent au stade du schistosome adulte. Ces parasites vivent dans les vaisseaux sanguins, dans lesquels les femelles pondent leurs œufs. Certains des œufs sortent de l’organisme par les matières fécales ou l’urine et le cycle de vie parasitaire se poursuit. D’autres sont piégés dans les tissus de l’organisme, provoquant une réaction immunitaire et des lésions évolutives dans les organes.
Épidémiologie
La zone de prévalence de la schistosomiase se situe dans les régions tropicales et subtropicales, notamment dans les communautés démunies qui n’ont pas accès à une eau de boisson salubre et à un assainissement satisfaisant. On estime qu’au moins 90% des personnes qui ont besoin d’un traitement contre la schistosomiase habitent en Afrique.
Il existe 2 formes principales de schistosomiase: intestinale et urogénitale, provoquées par cinq espèces principalement (voir tableau).
Tableau: Espèces parasitaires et répartition géographique de la schistosomiase
Espèces | Répartition géographique | |
Schistosomiase intestinale | Schistosoma mansoni | Afrique, Moyen-Orient, Caraïbes, Brésil, Venezuela, Suriname |
Schistosoma japonicum | Chine, Indonésie, Philippines | |
Schistosoma mekongi | Plusieurs districts du Cambodge et de la République démocratique populaire lao. | |
Schistosoma intercalatum et S. guineansis espèce voisine | Zones des forêts tropicales humides en Afrique centrale | |
Schistosomiase urogénitale | Schistosoma haematobium | Afrique, Moyen-Orient, Corse (France) |
La schistosomiase touche plus particulièrement les populations pauvres d’agriculteurs et de pêcheurs. Lorsque les femmes accomplissent leurs tâches domestiques dans de l’eau infestée, lavage du linge par exemple, elles sont également exposées au risque. Le manque d’hygiène et les jeux rendent les enfants particulièrement vulnérables.
L’exode rural et les déplacements de réfugiés introduisent la maladie dans de nouvelles régions. La croissance démographique, allant de pair avec une augmentation des besoins en énergie et en eau, est souvent à l’origine de programmes de développement et de modifications de l’environnement qui renforcent la transmission.
Avec le développement de l’écotourisme et des voyages hors des sentiers battus, un nombre croissant de touristes contractent la schistosomiase. On peut alors observer des infections aiguës sévères et des problèmes inhabituels pouvant aller jusqu’à une paralysie.
On considère aussi que la schistosomiase urogénitale est un facteur de risque pour le VIH, en particulier chez la femme.
Symptômes
Ils sont causés par la réaction de type allergique (hypersensibilité) de l’organisme aux œufs, pas par le parasite en lui-même.
La schistosomiase intestinale peut provoquer des douleurs abdominales, une diarrhée et l’apparition de sang dans les selles (maelena). L’hépatomégalie est courante dans les cas avancés et s’associe fréquemment à une accumulation de liquide dans la cavité péritonéale (ascite) et à une hypertension dans les vaisseaux sanguins de l’abdomen (hypertension portale). Dans ce cas, il arrive d’observer aussi une splénomégalie.
L’hématurie (sang dans les urines) est le signe classique de la schistosomiase urogénitale.
Les effets économiques et sanitaires de la schistosomiase sont considérables et cette maladie handicape plus qu’elle ne tue. Chez l’enfant, elle peut causer une anémie, un retard de croissance, une altération des capacités cognitives mais, avec le traitement, ces effets sont en général réversibles. Dans sa forme chronique, elle peut nuire à la capacité d’un adulte de travailler et, dans certains cas, entraîner le décès. Le nombre de décès qui lui sont imputables est difficile à estimer en raison des pathologies cachées telles que les insuffisances hépatiques et rénales et les cancers de la vessie. Les estimations de cette mortalité sont donc très variables et se situent entre 80 000 et 800 000 décès par an.
Dépistage de la Bilharziose
Le dépistage comprend l’anamnèse, l’examen clinique, des tests d’orientation (recherche d’une hyperéosinophilie sur la NFS).
La recherche spécifique de Schistosoma haematobium est rendu possible par plusieurs techniques: tests ELISA, hémagglutination, Western Blot, recherche directe du parasite dans les urines, PCR Bilharziose.
La stratégie préconisée par l’InVs est de recourir à deux sérologies ELISA associant 2 techniques différentes accessibles dans un nombre de centres restreint dont BPR analyses spécialisées. BPR réalise ainsi une sérologie en ELISA doublée par une technique d’hémagglutination. Ces sérologies sont prises en charge par la sécurité sociale pour les patients le nécessitant.
Traitement
La bilharziose est éradiquée par une thérapeutique adaptée: Biltricide (PRAZIQUANTEL) 4 à 5 comprimés en prise unique (à administrer au moins 1 mois après l’infestation, inefficace si administré trop précocemment).
Références: