Bien qu’établis, l’une et l’autre, par des calculs statistiques à partir de données observées sur des échantillons, limite de détection et seuil décisionnel sont des concepts indépendants l’un de l’autre. En effet, la limite de détection est une donnée purement analytique alors que le seuil décisionnel est une donnée physio-pathologique.
- LES INCERTITUDES DE LA LIMITE DE DETECTION
Selon le Cofrac, « le terme limite de détection est utilisé pour décrire la plus petite valeur de mesurande dont une procédure analytique peut indiquer la présence avec un niveau de confiance spécifié ». Elle est également appelée «concentration détectable minimale».
C’est en fait la valeur numérique la plus petite qui puisse être affichée comme résultat d’une mesure réalisée à l’aide d’une technique donnée sur un milieu donné.
Quoiqu’ utilisée comme une donnée pratique, la limite de détection est une donnée statistique dont la valeur numérique dépend de l’algorithme utilisé pour le calcul.
Currie en 1968 a défini trois niveaux d’évaluation, validés plus tard par l’AACC (Davenport et Schlain, 2000) à partir de l’écart-type s de la distribution de n valeurs du blanc de la méthode :
La limite critique LC est la concentration d’un échantillon telle que 95 % des mesures du blanc lui sont inférieures
LC = 1, 645 s
La limite qualitative LD est la concentration d’un échantillon telle que 95 % des mesures de cet échantillon sont supérieures au blanc
LD = 3, 29 s
La limite Quantitative LoQ20% ou Limite Fonctionnelle (Lower limit Of Quantitation LoQ) est la concentration d’un échantillon telle que le coefficient de variation des mesures de cet échantillon est de 20 %
LoQ = 5 s
Récemment le COFRAC (voir SH GTA 04) a proposé comme limite de détection la valeur 3 s du blanc, ce qui correspond au percentile 99,73 des valeurs du blanc, et donc à la concentration d’un échantillon telle que presque toutes les valeurs du blanc lui sont inférieures. Sur le plan conceptuel, c’est tout à fait analogue à la limite critique de Currie, mais ici la limite est fixée à 3 s au lieu de 1,645 s.
Malheureusement beaucoup de notices techniques de réactifs industriels n’indiquent pas clairement les méthodes de calcul. De plus certains partent de la distribution des valeurs répétées du point zéro de la gamme, ce qui n’est valable que si sa composition est identique à celle d’un échantillon de patient, mesurande excepté.
Pour mémoire, la figure ci-dessous présente la distribution des percentiles par écart-type du blanc et différentes expressions de la limite de détection en multiples de l’écart-type
- LE SEUIL DECISIONNEL
(que l’on pourrait aussi appeler plus concrètement Seuil Diagnostique Pathologique)
C’est la valeur au-dessus (ou selon le cas « au-dessous ») de laquelle la concentration du mesurande est considérée comme significativement pathologique, et susceptible de mener à une décision diagnostique.
Ce seuil dépend du risque accepté de faux positifs. Si l’on fixe par exemple le seuil de normalité au percentile 95 de la distribution d’une cohorte suffisante de sujets indemnes de pathologie, on accepte 5 % de faux positifs (encore faudrait-il calculer l’intervalle de confiance de ce seuil 95° percentile en fonction de la taille de la cohorte). Si l’on fixe le seuil au percentile 99, on accepte seulement 1 % de faux positifs.
C’est un choix d’ordre médical.
Evidemment, dans le cas où la pathologie est représentée par des concentrations au-dessous de la normale, les percentiles à calculer deviennent le 5° ou le 1er.
—Professeur Najiba Lahlou, Docteur Marc Roger
REFERENCES
Currie LA. Limits for qualitative detection and quantitative determination. Application to radiochemistry. Analyt Chem 1968, 40 :586-593
Davenport JM, Schlain B. Testing claimed minimal detectable concentrations of in vitro medical diagnostic devices. Clin Chem 2000, 46 :1669-1680
Cofrac : Guide technique d’accréditation de vérification (portée A) / Validation (portée B) des méthodes en biologie médicale. Document SH GTA 04, révision 01. 09/04/2015. paragraphes 9.6.1.7 et 10.7